Le Marquis Folco de BARONCELLI-JAVON:
..."J'ai voué ma vie à un idéal : la Provence, et je n'ai embrassé mon métier que pour mieux servir cet idéal, pour me trouver plus près du peuple provençal, pour mieux arriver jusqu'à son coeur et pour mieux l'aider à sauver son passé de gloire, sa langue et ses coutumes. C''est vous dire que je ne puis considérer ma profession comme une affaire dans le vrai sens du mot : il faut qu'une fois ma vie gagnée, le surplus de mon énergie, de mon travail et de celui de mes taureaux et de mes chevaux passe à la propagande provençale..."
Folco de Baroncelli-Javon
Lettre au Pouly, le 17 fevrier 1920
Descendant de la vieille famille Florentine des Baroncelli, marchands et changeurs établis en Avignon au XIVe siècle, Folco de Baroncelli est né à Aix-en-Provence en 1869.
Disciple aimé de Frédéric Mistral, le Marquis, comme on l’appelait familièrement, considérait le culte du taureau, comme l'une des bases de la renaissance de ce qu’il appelait «La Nation Méridionale».
Homme d’action, il comprenait que les traditions ne doivent pas, si elles veulent vivre, se figer dans une forme immuable, mais s’adapter aux nouvelles conditions de l’existence qui évoluent rapidement.
Manadier installé aux Saintes Maries de la mer, il sut améliorer la race de ses taureaux et de ses chevaux et obtenir d' excellents résultats .
Novateur, il se dit que les montures camarguaises, qui n’avaient servi jusque là qu’à la conduite, au maniement, à la capture des taureaux, pouvaient, montées par des cavaliers vêtus à la mode des pays taurins, paraître dans des fêtes et des cérémonies auxquelles elles imprimeraient un cachet pittoresque, bien dans la norme des coutumes anciennes depuis longtemps oubliées.
Patriote provençal, Majoral du Félibrige, il introduisit dans les milieux taurins l’Idée félibréenne et fut, avec le grand poète manadier Joseph d’Arbaud, l’initiateur de la poésie camarguaise.
La démarche "Baroncellienne"
( Discours du Marquis de Baroncelli aux fêtes de Bourgoin, 11 juin 1939)
"C’est vers 1902 que l’idée me vint de coordonner et de diriger vers la glorification de la Provence et de sa langue les forces bien vivantes mais éparses qu’engendre, dans le Midi, le culte du taureau et les traditions chevaleresques du gardiannage. Je me confiai à une dizaine d’amis, cavaliers gardians, tous imprégnés de la pure doctrine mistralienne, parmi lesquels Jules Grand, Jean et Marcel Grand, Jean Bérard, Joseph d’Arbaud. Nous commençâmes par nous mêler aux cortèges des fêtes méridionales avec nos chevaux blancs portant en croupe des filles des Saintes-Maries. Avignon, l’élégante et divine Avignon, berceau de notre renaissance, nous ouvrit les bras la première, nous appela bien souvent, nous mit à l’honneur. Notre petite phalange s’accrut rapidement et nous choisîmes le nom de «Nation Gardianne». Affiliée au Félibrige, la «Nation Gardianne», école Félibréenne, combat, avant tout, pour sauver la Langue Provençale en touchant le creux du peuple au moyen des ses traditions les plus aimées. La «Nation Gardianne» constitue la garde d’honneur de la Provence ; elle accourt à l’appel de l’une de nos cités ; Avignon, Marseille, Orange, Nîmes, Montpellier, Toulouse l’ont fêtée. Elle peut mettre en selle cent cavaliers.
Ces cavaliers, issus de toutes les classes de la société, ayant tous le même idéal, possédant chacun leur cheval de pure race camarguaise, blanc ou gris, sont étroitement liés à la vie des manades et leur existence se passe à apporter leur aide aux gardians de métier.
C’est pour la «Nation Gardianne» que j’ai créé, sous des noms retrouvés sur de vieux parchemins Avignonnais, les tournois des Echarpes et de l’Epervier ainsi que nos autres jeux équestres, à l’exception de celui des Aiguillettes ou de la Bague, conservé par la Confrérie des gardians de Saint-Georges.
La «Nation Gardianne» a pris à son compte la continuation de la «Fèsto Vierginenco» en l’honneur des femmes qui portent le costume d’Arles, instituée par Mistral. Chaque année, l’un de deux derniers dimanches de Juillet, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, une magnifique fête réunit les membres de la «Nation Gardianne» et un très grand nombre de jeunes filles ou de dames portant la coiffe de Mireille. Un banquet leur est offert à la suite duquel elles reçoivent des mains de Madame la Comtesse d’Adhémar un souvenir ayant trait au costume. Madame la Comtesse d’Adhémar est la présidente du «Ruban de Provence» fondé à Avignon pour le maintien de la coiffe Arlésienne et dont Mademoiselle Andrée Duret, ici présente et que vous avez le plaisir d’entendre est la vice-présidente.
La «Nation Gardianne» est dirigée par un capitaine. C’est actuellement Monsieur Alphonse Arnaud, majoral du Félibrige, qui, avec sa foi ardente et sa sagesse, préside à ses destinées.
Je citerai, pour terminer, ces vers provençaux de l’un de nos gardians, qui résument notre doctrine et notre raison d’être :
«Mai, souto lou simbèu dóu ferre emé dóu Bioù, «Mais, sous le symbole du trident et du taureau,
Se li gardian fan targo à la lucho infernalo Si les gardians tiennent tête à la lutte infernale,
N’èi que pèr te sauva, Coumtesso Prouvençalo !». Ce n’est que pour te sauver, ô Provence !»
La vie de Folco de BARONCELLI-JAVON ,"lou Marquès"(1869-1943)
Marie-Lucien, Gabriél, Folco de Baroncelli-Javon est né à Aix en Provence (Bouches du Rhône) le 1er Novembre 1869.
Jusqu 'en 1886,il passe son enfance au le château de Belle Coste, près de Nîmes, au mas de Laiaud chez sa grand-mère la comtesse de Chazelles -Lassac.C' est là qu'a lieu sa première rencontre avec les chevaux "camargue" venus dépiquer le blé au mas. De même, il y côtoie les taureaux , qui , se rendant aux arènes, font étape dans la cour du domaine. Il effectue ses études à Nîmes.
En 1886, il rencontre Jean Roumanille et les félibres de cette époque. Il ne rencontrera Frédéric Mistral qu'en 1889.
1890 est l' année de sa première publication "Babali" (édité par Roumanille).
Le Maître lui confie en 1891 la direction du journal L'Aïoli qu 'ils viennent de créer. C'est depuis le vieil hôtel de Javon, demeure de ses ancêtres en Avignon, qu' il gère le journal dont il tient la chronique taurine.
Dès 1892, il se rend en Camargue et se lie d' amitié avec les gens de bouvino. Chez le manadier Dijols, au mas de Sainte-Cécile, il fait la connaissance du gardian Pierre Plume, puis il rencontre Joseph d'Arbaud.
Il ressent le besoin impérieux de maintenir la race originelle des taureaux et des chevaux contre la tendance de l'époque qui était de croiser la race indigène avec des bêtes d' autres origines. Il craint que ne se perdent les races pures "de taureaux aux cornes en lyre et des cavales aux crinières d' écume marine". Le maintien de la pureté de ces races sera désormais son combat prioritaire au détriment parfois, de ses obligations littéraires et journalistiques, quitte à agacer le Maître.
Il redécouvre les Saintes-Maries de la Mer (Bouches du Rhône) et installe en secret ses premières bêtes sur les terres de Cacharel ,c'est le début de la future "manade Santenco".
Le 7 Février 1895, il épouse la jeune et jolie Henriette Constantin,, fille d' un propriétaire terrien de Château neuf-du -Pape. Le jeune couple s' installe aux Saintes-Maries de la Mer, rue de pénitents. Ses préoccupations de manadier prennent le pas sur toutes ses autres occupations. Il se rapproche du Cailar (Gard) et de sa jeunesse éprise de bouvino. Il leur fournit, à moindres coûts, des courses de taureaux, pour assouvir leur passion.
Le 13 Novembre 1895, naît Nerte, sa première fille aux Saintes-Maries de la Mer. Quelques mois plus tard, les fêtes de la Sainte-Estelle se déroulent au village.
Dès Juillet 1899, il s' installa avec sa famille au Mas de l'Amarée. Pour Noël 99, sort le dernier numéro de "l' Aïoli" où Folco pousse son premier grand cri d' indignation en faveur des opprimés, dénonçant dans un poème l' agression contre les Bœrs.
La famille s' agrandit avec la naissance de Maguelone le 25 Septembre 1901.
Son rêve de manadier se réalise avec les débuts du taureau "Prouvenço", qui sera le plus célèbre de la manade. Parallèlement, ses talents littéraires sont reconnus internationalement par la publication aux Etats -Unis de son ouvrage "Babali".
L' année 1904, verra la première fête du costume aux Saintes-Maries de la Mer. La même année, Frédéric Mistral associe Baroncelli à la réalisation de la "festo virginenco" au théâtre antique en Arles. Folco crée le "Coumitat Vierginen" qui permet aux gardians à cheval d' accompagner les jeunes filles costumées à cette fête ainsi qu 'à toutes les fêtes méridionales. Sa grande idée est de mettre en place un ordre moderne de chevalerie ressuscitant "l' antique chevalerie méridionale" qui avait combattu pour l' honneur et la gloire du Midi.
En Octobre 1905, il rencontre pour la première fois les Indiens de Buffalo Bill à Nîmes.
La révolte des vignerons en 1907 , lui inspire le poème "Auzor" par lequel il crie son indignation et apporte son soutien aux révoltés. Pendant ce temps, en Avignon,, l' hôtel de Javon est mis en vente.
Le 7 mars 1908, naît sa troisième fille Frédérique qui deviendra Madame Henry Aubanel.
En Mai, il rencontre Jeanne de Flandreysy et Jules Charles-Roux qui publie dès 1909 un ouvrage sur Aigues-Mortes (Gard) auquel il participe en écrivant le dernier chapitre "les bohémiens aux Saintes-Maries de la Mer". Ce livre lui est dédié.
Cette année 1909, voit au mois de Mai , le triomphe historique du "Prouvenço" à Vauvert (Gard) et sa mort en fin de mois dans un combat d' étalons au sein de la manade.. Pendant ce temps à Paris, l' éditeur Lemerre publie "Blad de Luno". Enfin et surtout, il crée la Nacioun Gardiano en lieu et place du "Coumitat Vierginen" et lui donne une existence légale.
A l'automne 1913, Baroncelli reçoit un prix d' Académie pour "Blad de Luno" reédité dès 1910
En 1914, il rentre au comité du Museon Arlaten, musée ethnologique crée en Arles par Frédéric Mistral.
Appelé sous les drapeaux en Février 1915, il est affecté dès le 20 Juin au 42ème Territorial à Toul par mesure disciplinaire pour "propos antimilitaristes".
Le 12 Avril 1918, l' hôtel de Javon est acheté par Jeanne de Flandreysy. Elle exauce le souhait de Jules Charles-Roux qui,, avant sa disparition, voulait en faire un "musée de la langue provençale". Le Palais du Roure est crée.
En Octobre1918, il écrit "Lunado Indiano", long poème pour les Indiens "qui ont pris part à la guerre des Blancs d' Europe".
Quatre ans après la mort de Mistral, il organise le premier pèlerinage gardian du souvenir sur la tombe du "Mestre" à Maillane (Bouches du Rhône). Cette cérémonie perdure de nos jours, les 25 Mars.
Les années suivantes, avec le comité d'action méridionale, Folco milite entre autres, pour le maintien des courses de taureaux (à Nîmes et Arles). Il lance , dans le journal du Midi, l'idée de création d'un parc naturel en Camargue qu'il avait imaginé avec Frédéric Mistral.
Le 15 Mars 1924,Baroncelli écrit son poème "lou biòu".
1931 marque le départ du Marquis du mas de l' Amarée pour le mas du Simbèu, et la reparution du journal l' Aïoli..
Il obtient les autorisations du clergé pour que soit organisée le 24 mai 1935 la première sortie de la statue de Sara, portée en procession et accompagnée par les gardians.
Fortement ébranlé par la guerre d' Espagne ,Folco perd son épouse le 8 Aout 1936.Il sera hospitalisé à Nimes en Octobre 1938 et cessera les activités de sa manade au début de l'année 1939.
En Novembre 1942, les Allemands s'installent au mas du Simbèu et expulsent Le Marquis le 17 Fevrier 1943.
Le 15 Décembre 1943 LOU MARQUES décède en Avignon où il sera inhumé.
Suivant ses voeux, ses cendres seront transférées par la Nacioun Gardiano aux Saintes Maries de la Mer, prés du Simbèu en 1951.